DOMI : « SADIO MANÉ EST UN EXEMPLE EXTRAORDINAIRE DE VALEURS »

Comme après plusieurs matchs de cette saison européenne, Didier Domi livre son analyse de la victoire de Liverpool en finale de Ligue des champions face à Tottenham. Et pour l’ancien du PSG et ex-coéquipier de Mauricio Pochettino, le déchet technique des Spurs a pesé trop lourd face au sérieux des Reds.

Au coup d’envoi, Tottenham aligne un 4-2-3-1 avec notamment la paire Sissoko-Winks au milieu face à un 4-3-3 plus traditionnel de Liverpool. Qu’est-ce que tu en as pensé ?
Liverpool a eu une approche assez conservatrice. Je me demandais vraiment comment Mauricio Pochettino allait jouer, car il a vraiment une palette de choix très importante : il pouvait jouer en 4-4-2 losange comme face à City au retour, à 3 derrière comme face à l’Ajax… Et le fait qu’il associe Winks à Sissoko, ça démontrait son envie de vouloir ressortir le ballon.

A la 35 ‘minute, ils avaient d’ailleurs 65-66% de possession de balle. Malheureusement pour lui, possession ne veut pas dire efficacité. Lors du premier quart d’heure, on a pu voir beaucoup de longs ballons en profondeur vers Son ou Mané notamment. Pourquoi ? Car il y avait deux triangles qui se calquaient l’un sur l’autre, ce qui est d’une part logique lorsqu’un 4-2-3-1 se dresse face à un 4-3-3. Ce sont deux triangles à l’envers : Dele Alli (pointe haute) sur Fabinho (pointe basse) et la paire Winks-Sissoko sur Henderson et Wijnaldum. C’était donc fermé au milieu, d’où les longs ballons. Ensuite, Winks et Sissoko sont redescendus un peu plus bas, et là, Henderson et Wijnaldum les ont moins suivis, ce qui ouvrait alors la possibilité de passer davantage par le milieu.

Qu’est-ce qui a péché du côté des Spurs ?
Malheureusement pour Tottenham, ce qu’ils faisaient était trop pauvre techniquement. Dans l’analyse des situations, dans l’exécution, dans la justesse technique… Le niveau était assez pauvre. Même si, encore une fois sur le premier but, il y a une statistique qui est quand même révélatrice sur l’une des failles de Tottenham en Ligue des champions cette année. Sur les dix-sept buts qu’ils ont encaissés lors de cette campagne avant la finale, ce qui est un total élevé, sept l’ont été dans le premier quart d’heure. C’est énorme. Tottenham avait déjà ces problèmes de concentration depuis le début de la compétition. En face, tu joues contre un Liverpool conservateur, meilleure défense de Premier League, avec des morts de faim au milieu de terrain. Tu te mets dans une situation compliquée.

Pour illustrer ce déchet technique, Dele Alli est notamment passé à côté de sa première période.
Il y a deux joueurs qui ont énormément manqué de justesse technique : Dele Alli et Moussa Sissoko. Alli a été trop lent, trop pauvre, et même Kane a eu du mal à bouger en première période pour se sortir du marquage des centraux. Et quand tu as deux de tes meilleures éléments offensifs qui sont hors du coup, tu es trop pénalisé.

L’ouverture du score d’entrée de jeu a-t-elle trop affecté la rencontre ?
Ça a peut-être plus changé les plans de Liverpool, dans le sens où ils auraient été forcément un peu plus « joueurs » sans ce penalty précoce. Quand tu marques très tôt et que tu as l’expérience de l’année dernière, forcément, tu fais plus attention. Ils ont appris de leurs erreurs. Liverpool n’avait pas envie de prendre trop de risques, et il n’y a qu’à voir les bases du premier but. Tu la vois tout le temps en Premier League, cette transversale de Van Dijk sur Mané. Mané, c’est un diable.

Parlons de Mané, justement. C’est le joueur qu’il faut ressortir de cette finale ?
Oui, avec Van Dijk. Mané, même lorsque Liverpool ne fait pas un bon match, il est toujours efficace. Le penalty, c’est lui. La frappe de Milner qui frôle le montant en deuxième période, c’est encore lui. Mané, c’est l’explosion, et c’est ce qui a manqué à Tottenham ce soir. Il court au bon endroit, au bon moment. Quand Salah est parfois brouillon dans ses choix, lui est toujours « clinical » comme disent les Anglais. Et en plus, en deuxième mi-temps, lorsque Klopp a fait entrer Milner, Liverpool est plus passé en 4-4-2 et il a occupé à merveille le côté gauche. C’est quelqu’un qui fait les efforts défensifs, c’est un exemple extraordinaire de valeurs.

Du côté de Tottenham, il y a eu très peu de situations en première période. Contrairement à la seconde où, dès que Kane a commencé à décrocher, les occasions sont arrivées.
Dès qu’il a commencé à décrocher, ils se sont retrouvés plus haut sur le terrain. Quand Kane est redescendu plus souvent, mais aussi lorsque Lucas est entré et surtout lorsque Son revenait plus à l’intérieur. Tu avais enfin davantage de passes qui cassaient des lignes, et surtout, des combinaisons dans l’axe entre Kane, Alli, Son, Lucas, alors que les couloirs étaient vraiment laissés à Trippier et Rose. Tu avais donc cette supériorité numérique au milieu, et les frappes de Son, un petit peu Lucas, sont enfin arrivées. Mais trop tard.

Ce qui a manqué à Tottenham, c’est donc vraiment au niveau de la finition et de la technique.
Tout le monde a déjà entendu ce poncif où on rabâche que c’est dans le dernier tiers du terrain où les gestes techniques doivent être parfait, où il faut être précis, tueur. Dans les trente derniers mètres, il faut avoir cette fraîcheur pour être appliqué et surtout analyser les situations. Sur cette rencontre, ils ont trop mal analysé les différentes opportunités qui s’offraient à eux.

Pour terminer, un mot sur les coachs : Klopp a plus gagné cette finale que Pochettino ne l’a perdue ?

Tottenham a été égal à lui-même, mais ils ont été inoffensifs. Lorsque les premières occasions arrivent à dix minutes du terme, c’est trop tard. Et côté Liverpool, le premier but les a aidés. Quand tu as l’un des meilleurs centraux du monde avec Van Dijk, et un des meilleurs gardiens avec Alisson, c’est plus simple. Pour le suspense, il n’aurait pas fallu que Liverpool marque en premier. Klopp s’est quand même servi de l’expérience dans cette compétition dans l’approche de son match. Un peu comme Deschamps, lorsqu’il disait qu’à l’Euro 2016, ses joueurs étaient bien concentrés, mais un tout petit peu stressés. C’est pour ça qu’en 2018, il s’est attelé à avoir un groupe plus relaxé et il s’est passé la même chose avec Liverpool. Même s’ils ont joué plus défensif, lorsque tu joues libéré, tu es beaucoup plus serein quelle que soit la situation qui se présente face à toi. Klopp restait sur six finales perdues, et tu as senti qu’il était beaucoup plus conservateur pour aller la gagner. Il fait d’ailleurs deux changements très tôt dans le match, avec Origi qui entre à la place de Firmino et Milner pour Wijnaldum afin d’avoir ses deux lignes de 4 dès l’heure de jeu. Ce n’est pas anodin.

 

C’est un signe de maturité, cette gestion de Klopp ?
Exactement. C’est un signe de maturité, et certaines fois aussi, il te faut faire les bons choix dans ta qualité de joueurs. Que tu aies l’argent, ou pas. Quand tu mets 80 millions sur Van Dijk, ou 65 millions sur Alisson, Pochettino n’a pas pu le faire ! (Rires.)

Mais ces deux-là ont été déterminants pour apporter cette sérénité. Le retour de Van Dijk sur Son à quinze minutes de la fin, alors que tout le monde pensait que l’attaquant partait seul au but, en est l’exemple même. Alisson.Il a fait une erreur à leicester en début de saison , et depuis c’est parfait. Le fait d’avoir eu un board qui a accepté ce choix est essentiel. Car que tu t’appelles Guardiola ou n’importe quel autre entraîneur défensif, la base d’une équipe c’est ton gardien, tes deux centraux et ton/tes numéros six. C’est la véritable colonne vertébrale, et à Liverpool, ça se sent qu’il y a eu une bonne concertation là-dessus.

Sofoot

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