PSG : Après la sortie houleuse de Kylian Mbappé, Thomas Tuchel (PSG) joue l’équilibriste
En recadrant publiquement Kylian Mbappé après son remplacement, samedi, l’entraîneur parisien a souhaité marquer son territoire. Un choix risqué.
Antero Henrique doit se sentir moins seul depuis samedi soir. L’ancien directeur sportif du Paris-SG avait été la saison dernière, à intervalles réguliers, la rare cible de critiques publiques de la part de Thomas Tuchel. Des tacles glissés dans une communication globalement très protectrice envers les membres du club de la capitale.
Parmi les joueurs, seuls Adrien Rabiot et Kylian Mbappé (déjà), après leur retard à la causerie, en marge du déplacement à Marseille, en octobre 2018 (2-0), avaient essuyé des reproches publics. Pour le reste, le technicien allemand avait toujours usé d’une communication très souple. Entre câlinothérapie et soutien constant. Et même sur des cas éminemment symboliques (Neymar, Cavani) et dans des périodes troubles (à l’été 2019 avec la star brésilienne), Tuchel n’avait pas changé de ligne.
La manière – regard dur, confrontation physique sur le terrain, devant les caméras – puis les mots choisis (1) par Tuchel en conférence de presse samedi soir, plus d’une heure après la sortie houleuse de Mbappé (21 ans)face à Montpellier (5-0) , témoignent d’un changement de méthode. Un choix risqué mais payant sur le moyen terme ? Toute la question est là.
Déjà peu fluide, voire heurtée, depuis ses débuts, à l’été 2018, la relation Tuchel-Mbappé, évidemment centrale dans l’évolution sportive du PSG, peut-elle survivre à ce nouvel épisode et à ce choix de l’Allemand de marquer le coup par une communication incisive ? L’ancien coach de Dortmund n’a jamais fui le conflit durant sa carrière d’entraîneur. Il n’y a qu’à se souvenir de sa relation avec Mario Götze et sa fameuse « punchline » lors d’une séance publique (« Tu t’entraînes comme un minime ! ») pour le mesurer.
Mbappé a pris la parole devant le groupe
Mais le Götze de 2016 n’est en rien le Mbappé de 2020. Et en critiquant publiquement l’attitude de l’attaquant français quelques mois après avoir tenté de dédramatiser la situation dans le même contexte à la Mosson (2), Tuchel sait qu’il a joué à un jeu d’équilibriste. Dangereux. Forcément. Ne pas réagir face à ce mouvement d’humeur aurait été perçu comme un signe de faiblesse. Mais s’il perd son attaquant alors que le club veut, en prolongeant son contrat, en faire la tête de pont de son projet, difficile de lui imaginer un avenir à long terme. Certains, en interne, lui reprochaient ainsi, dimanche, de s’être exposé, en provoquant lui-même la confrontation en bord de pelouse, au lieu d’attendre le vestiaire afin de poser des mots sur le malaise.
On décrivait Mbappé, parti très vite du Parc des Princes après le match, plus calme ces dernières heures et conscient que cette prise de bec devant les caméras a pu nuire à son image. Au point de revenir sur l’épisode auprès de tout le groupe, dimanche, lors d’un échange au cours duquel Tuchel a également pris la parole. Des propos qui peuvent nourrir l’idée d’une réconciliation rapide entre le champion du monde et son entraîneur ? Plus compliqué que cela. Si les mots n’ont pas filtré, le dialogue fut particulièrement intense en bord de pelouse samedi. Cette passe d’armes laissera nécessairement des traces.
Les deux hommes ont déjà un background lourd. Du choix de ne pas inclure Mbappé parmi les frappeurs de penalties, au début de la saison 2018-2019, en passant par l’épisode houleux de Marseille, qui avait donné au champion du monde l’impression d’être géré différemment – un autre cadre influent avait été en retard au moment de la montée dans le car -, Mbappé n’a jamais cerné clairement la politique de Tuchel à son égard. La question de son temps de jeu est centrale dans l’esprit du numéro 7 du PSG. Sa sortie après son triplé à Bruges, le 22 octobre 2019 (5-0, en Ligue des champions) – « je voulais rentrer et montrer que c’est difficile de se passer de moi » -, en témoigne. Sans demander à être traité de la même manière que Neymar – qu’il a toujours perçu comme le numéro 1 -, Mbappé s’interroge vraiment sur son statut aux yeux de l’Allemand. Et ce n’est pas l’épisode du Parc qui va lui apporter des réponses. Ou du moins celles qu’il veut.
(1) « Je suis l’entraîneur, quelqu’un doit décider qui sort et qui entre et c’est moi […] On ne joue pas au tennis, on joue au foot, on doit avoir du respect pour tout le monde. »
(2) « Il ne veut jamais sortir. Kylian accepte mes décisions… même s’il n’est pas heureux. Il n’est pas heureux de sortir mais ce n’est pas grand-chose. »