Génération Foot : Le vivier africain du FC Metz.
Pour cette nouvelle saison de Ligue 1, France tv sport vous propose une série d’anecdotes et de petites histoires sur les vingt clubs de notre championnat. Aujourd’hui, focus sur Metz et son partenariat avec Génération Foot, académie et club basés à Dakar (Sénégal). Depuis 2003, des jeunes talents africains s’y développent avant de rejoindre pour certains le club lorrain. Mais au-delà du but sportif, un véritable enjeu social est présent.
Sadio Mané, vainqueur de la Ligue des Champions 2019. Ismaïla Sarr, parti à Watford pour 30 millions d’euros cet été. Habib Diallo, deuxième meilleur buteur de la dernière saison de Ligue 2, ou encore Papiss Cissé et Diafra Sakho. Ces joueurs ont un point commun. Leur évolution, leur développement, leur formation. Tous ont grandi à Génération Foot, un club de Dakar fondé par Mady Touré en 2000, avant de découvrir le monde professionnel avec Metz, partenaire exclusif de Génération Foot depuis 2003.
Un dessein mené par “un fou”
L’Afrique est une terre de football. Le ballon rond règne dans de nombreux pays, et notamment au Sénégal. A Dakar, plusieurs clubs existent. Un se détache : Génération Foot. Aujourd’hui, c’est une structure avant-gardiste sur le continent. A l’aube du 21e siècle, c’est juste un projet audacieux mené par Mady Touré, ancien joueur professionnel sénégalais. “J’avais cette farouche détermination de réussir. Je suis parti de rien. Je n’ai pas réussi en tant que joueur en France, donc je voulais le faire en tant que dirigeant”. En 2000, il fonde Génération Foot avec l’ambition d’en faire un club de premier rang au Sénégal. “Tous ces gamins qui étaient laissés dans la nature me sollicitaient souvent. Il fallait une structure pour faire progresser les jeunes”. Paradoxalement, c’est avec Nancy, club ennemi de Metz, que Mady Touré noue un premier partenariat avec un club français. Mais après trois ans, il arrive à son terme. “Économiquement, Nancy ne pouvait pas poursuivre, relate Touré. Donc j’en ai parlé avec le club de Metz pour prendre le relais.”
“L’histoire est simple, confie Mady Touré. Un match Monaco-Metz, Moussa Ndiaye(joueur sénégalais de Monaco) avait fait un super match. Je suis allé voir Joel Muller (entraîneur de Metz) qui a eu la modestie de m’écouter. Il m’a permis d’être à Metz. J’ai fait toutes les démarches. Quand j’ai présenté le projet à Metz, je leur ai dit ‘ j’ai le produit, vous avez l’argent, c’est un échange’. Le président Molinari n’a pas hésité pour valider.” Après un premier test avec l’accueil du jeune Sega N’Diaye à Metz, réussi grâce au sacre en Coupe Gambardella et au titre de Champion de France 17 ans, une convention de partenariat est signée en novembre 2003. Le début d’une longue aventure. “Personne ne croyait à ce projet, j’étais le seul. On disait que j’étais un fou. C’est ce fou qui a réussi.”
Grandir ensemble
Mais il a fallu tout construire, tout bâtir. Et surtout s’adapter aux nouvelles règles édictées par la FIFA, notamment la modification de la réglementation concernant le transfert international de joueurs mineurs. Alors le lien entre Génération Foot et Metz se renforce. Et le club mosellan emploie les grands moyens. “La question s’est posée de continuer ce partenariat. Si les jeunes n’avaient pas de parcours de formation avant les 18 ans, c’est la loterie”, assure Bernard Serin, président messin depuis 2009. Ou alors, le continuer mais en le structurant en ajoutant de la formation au Sénégal. On a trouvé avec Mady Touré un terrain de 16 hectares à Dakar. On a financé les bâtiments, l’hébergement, les installations sportives, les terrains, une zone de loisirs et récemment un collège-lycée (en mars 2019, NDLR).”
Au fil des années, Metz a injecté de l’argent mais aussi des imports de matériaux. “Au début, c’était un partenariat pour trouver des joueurs. Par la suite, on a construit un centre, le “Centre Amara Touré”, pour accueillir les jeunes, inauguré en 2013″, indique Mady Touré. Sur le plan financier et matériel, Metz nous a beaucoup aidés. Depuis qu’on a le centre en 2013, on voit l’évolution de ces jeunes.” Depuis 2003, près de 10 millions d’euros ont été investis pas le club lorrain.
Un partenariat gagnant-gagnant
Avec ce lien fort, les deux parties voient rejaillir de nombreux avantages. Une entraide mutuelle qui permet à chacun de progresser. Pour le FC Metz, club formateur, l’arrivée des meilleurs joueurs de Génération Foot est bénéfique sur le plan sportif, puis financier à la revente. “Les jeunes de haut-niveau sont difficiles à attirer dans notre centre de formation. “Il y a des clubs comme le PSG ou Lyon, qui sont plus puissants que nous. Au Sénégal, on peut attirer les meilleurs talents du pays. On ajoute les capacités de notre centre de formation à celle de Génération Foot. Le bénéfice est durable”, explique Bernard Serin. Chaque année, les deux meilleurs joueurs de GF rejoignent Metz et ce sont des joueurs de très haut niveau”.
Depuis 2003, une trentaine de joueurs ont débarqué en Moselle. “Tous n’ont pas réussi. Certains ont fait deux ans avant de partir en National ou CFA. Beaucoup ont eu un parcours vers le monde professionnel, parfois dans des équipes réputées”. Certains sont aujourd’hui très connus comme Sadio Mané, vainqueur de la Ligue des Champions 2019 avec Liverpool, ou Ismaïla Sarr, passé à Rennes. “Malheureusement, ces talents comme Mané ou Sarr, on en a profité que brièvement”, déplore Bernard Serin. Ce qui peut nous arriver de mieux, c’est de se pérenniser en L1 et de conserver plus longtemps ces talents.” Aujourd’hui, Habib Diallo fait le bonheur du club messin. Deuxième meilleur buteur la saison passée en Ligue 2, le Sénégalais a démarré fort en Ligue 1 avec trois buts en deux matches. “Le club est devenu populaire au Sénégal et c’est un réservoir pour nous de jeunes talents. Cette année, on a 5 joueurs qui sortent de GF et qui composent les 25 de l’effectif.” De plus, le FC Metz possède un troisième club partenaire depuis peu à Seraing en troisième division belge. “Le dispositif parait complet avec les trois clubs pour la détection, la formation et l’éclosion au haut niveau.”
Pour Génération Foot et Mady Touré, cet échange a tout d’abord montré le potentiel de l’Afrique. “Ça prouve qu’aujourd’hui, il y a un panel de bons joueurs en Afrique. Il y a de la qualité et je sais pertinemment que l’Afrique va être l’avenir. L’avance que nous avons sur le continent, on veut le pérenniser, et continuer à travailler. Il faudra avoir les pieds sur terre”, assure Mady Touré. Car avec l’apport de Metz, Génération Foot s’est élevé au rang de club phare au Sénégal, jusqu’à remporter le championnat national en 2017 et 2019. “Génération Foot peut être un exemple en Afrique. Tout le monde le dit, c’est un modèle”, se réjouit le fondateur. Je suis félicité par mes compères présidents qui disent que je fais la fierté de l’Afrique. C’est une motivation supplémentaire. Je voulais réussir ce projet. On va continuer à améliorer le centre.”
Le social, élément prépondérant
Car si sur le plan sportif, Génération Foot s’est érigé comme une équipe importante du Sénégal, le club répond également à un enjeu humain. “C’est très social Génération Foot. Aujourd’hui, à travers lui, ça nous a permis de réhabiliter le poste de santé. Il n’y avait pas d’eau, ni de courant. Beaucoup de choses manquaient. La plupart de la population autour travaille à GF”, se félicite Mady Touré. ‘Tous ces jeunes qui viennent de familles démunis. J’en appelle au mécénat pour nous aider. En Afrique, il y a des difficultés. Ça évite aussi aux enfants de partir dans de mauvaises voies.”
L’académie apporte la formation sportive, avec les entraînements, la musculation, la préparation. Mais aussi une éducation. “Nous avons un lycée inauguré en mars 2019 par le ministre sénégalais de l’Education” raconte Touré. “On sait que ces jeunes ne vont pas tous réussir dans le football. On voudrait leur donner une éducation, qu’ils aillent jusqu’au Bac. Le pari entre Bernard Serin et moi est un projet social.”
L’envie de continuer pour encore progresser
Depuis 2003, le partenariat, le seul pour un club français aussi structuré avec un club africain, a été renouvelé à plusieurs fois. Et les deux parties, alors qu’une reconduction de l’échange devrait subvenir prochainement, ont l’intention de poursuivre ensemble. “J’ai l’ambition de continuer avec Metz. Tant qu’ils voudront continuer, je serai là“, certifie Mady Touré. De part et d’autre, les projets sont bien présents pour développer encore cette académie pionnière sur le continent. “En Afrique, il manque d’infrastructures. Si un jour le continent est bien structuré, un pays peut gagner la Coupe du monde. Si elle multiplie ces infrastructures, on peut titiller les grands du monde”, est persuadé Touré.
L’ancien joueur professionnel rêve encore plus grand pour son club : “J’ai toujours cru en moi, j’ai souffert mais aujourd’hui je suis heureux de ce projet, même s’il n’est pas terminé. J’ai d’autres objectifs comme gagner la Ligue des Champions africaine. Les joueurs qui sortent de Génération Foot, je voudrais les voir jouer la Ligue des Champions, la Coupe du monde. J’aimerais avoir beaucoup d’internationaux formés par GF”. Pour ce faire, Metz et son président Bernard Serin ont l’ambition d’améliorer le centre : “Il y a encore des infrastructures à implanter. Nous avons besoin d’un terrain synthétique, car ça consomme moins d’eau et GF joue beaucoup à l’extérieur sur synthétique. Pour maîtriser une technique différente. On a besoin de vestiaires supplémentaires, de terminer le stade de compétition qui a déjà une tribune officielle. Il y a encore du travail.“
Théo Dorangeon