Dakar Sacré Cœur : Une femme à la manette du foot féminin.
21 mars 2019 Papa NdiayeAmbitions : rêver de la sélection.
Soukeye Cissé entraîne l’équipe féminine de Dakar Sacré Cœur, elle est aussi chargée du développement du foot féminin au sein du centre de formation. Son parcours, ancienne joueuse et femme à tout faire dans le club de Médiour de Rufisque, sa formation avec un diplôme de premier degré en poche lui donnent entière légitimité à son poste. Agée aujourd’hui de 35 ans, elle se fixe plusieurs challenges do le plus immédiat est de faire monter le club de Dakar Sacré Cœur de la deuxième division à la première. Avec une carrière de footballeuse longue de 15 ans, Soukeye Cissé connait les difficultés qui plombent le développement du foot féminin mais il est possible de faire mieux et plus. Elle savoure d’autant plus la chance qu’elle a de travailler dans un environnement serein et professionnel. Entretien
Comment avez-vous
décroché le poste de coach de l’équipe féminine de DSC ?
En 2009, j’ai déjà eu à travailler ici au centre. J’ai été éducatrice pendant 3 ans au sein de l’école de foot. A l’époque, j’ai quitté DSC parce que j’avais réussi au concours du CNEIPS pour devenir professeur d’éducation physique. Après ma formation, les responsables du club m’ont de nouveau recontacté pour que je prenne en main l’équipe de foot féminin.
Vous êtes l’entraîneur principal de l’équipe, on suppose donc que vous vous êtes formée en conséquence…
Tout à fait. EN 2006 déjà, j’ai eu mon diplôme d’initiateur. 4 ans plus tard, j’ai passé et obtenu mon diplôme du 1er degré.
Parlez-vous de votre travail au quotidien ?
En réalité, j’allie deux postes. Le matin, je dispense des cours au Lycée franco-arabe de Keur Massar, puisque je suis professeur d’éducation physique et 3 fois par semaine, je viens ici à Dakar Sacré Cœur entraîner l’équipe féminine. Je suis aussi là le Vendredi pour encadrer les débutants de l’école de football. Evidemment les week-ends, nous sommes sur le terrain pour jouer les compétitions.
Comment se porte votre équipe depuis le début de la saison ?
Pour le moment, tout se passe bien. Nous occupons la 1ère place de notre poule avec 4 victoires en autant de sorties, 32 buts marqués. Je pense que c’est notre recrutement qui fait notre force cette saison. En prenant en main l’équipe, j’ai fait venir 8 internationales. Ces dernières arrivent avec dans leur bagage une certaine expérience. Nous sommes en ligue 2 cette saison et l’objectif assigné par le président du Club (ndrl: Mathieu Chupin) est de monter en Ligue 1 et d’aller le plus loin possible en coupe du Sénégal.
En créant une section consacrée au football féminin, DSC montre une envie réelle de promouvoir cette discipline ?
Vous avez tout à fait raison. Le président de DSC prête une attention particulière au développement du foot féminin. Mieux il veut créer dans les années à venir une académie du foot féminin, mettre aussi en place les catégories cadettes et juniors. Nous nous inspirons beaucoup de notre partenaire français l’Olympique Lyonnais dont l’équipe féminine domine le football hexagonal et européen.
Avant de devenir entraîneur et professeur d’éducation physique, vous avez également joué au football. Parlez-nous de votre carrière ?
J’ai évolué au Mediour de Rufisque de 2002 à 2017 en tant que capitaine d’équipe. Je peux dire qu’à l’époque, en dehors du président du club, j’étais la personne la plus active. J’étais à la fois coach-adjointe, secrétaire générale, intendante, cuisinière (Rires…) Mais c’est en assistant aux Navétanes à Rufisque ma ville natale que j’ai eu envie de devenir entraîneur.
En 2006, j’ai entraîné l’équipe cadette de notre quartier qui s’appelait Asc Ndiayene et nous avons gagné des titres en phase zonale et départementale. C’est de là que tout est parti.
A quel poste avez-vous évolué durant votre carrière ?
J’ai toujours joué au poste de défenseur. Mais à la fin de ma carrière, j’ai avancé de plusieurs crans en évoluant à la pointe de l’attaque.
N’est-ce pas étrange de jouer à deux postes différents durant sa carrière ?
(Rires) Oui c’est bizarre mais un défenseur central qui se retrouve attaquant, a des atouts. Il sait comment déstabiliser ses adversaires.
15 ans de carrière en tant que joueuse, est-ce que vous avez été en sélection nationale ?
Malheureusement non. J’ai été présélectionnée une fois mais je n’ai pas été retenue. Certainement que les entraîneurs pensaient qu’il y’avait meilleure que moi.
Soukeye Cissé, comment se porte le foot féminin au Sénégal ?
C’est une discipline qui progresse comparée aux années précédentes mais pas au rythme souhaité. Le foot féminin n’est pas médiatisé. C’est nous en tant qu’acteurs qui renseignons les journalistes sur le déroulé du championnat. Ces derniers ne se déplacent pas. Nous les comprenons parce que nos matches se jouent le matin et il n’est pas évident de les couvrir. La programmation de nos matches à 8H pose problème. Les médias couvrent uniquement les finales parce qu’elles se jouent le soir et qu’il y’a un certain engouement.
Parlez-nous également des conditions de performance ?
Elles sont généralement difficiles. Aujourd’hui j’ai la chance de travailler au sein d’un centre de formation. Les filles s’entraînent sur un bon terrain avec un matériel didactique adéquat et un nombre de ballons suffisant. Quand nous nous entraînons, le médecin est aussi présent. Mais dans d’autres clubs, ce n’est pas absolument pas le cas. La volonté seule ne suffit pas, les moyens font défaut. A Médiour par exemple où j’évoluais, une seule personne assure toutes les charges financières entre les frais de regroupement, les transports durant les entraînements et les matches. Les clubs reçoivent des subventions municipales mais c’est une goutte d’eau dans la mer. Une subvention de 500 mille FCFA assure à peine un déplacement sur Ziguinchor. Donc sur le long terme et durant tout un championnat, ce n’est pas viable et personne ne peut tenir le rythme. Ni l’Etat ni la fédération ne soutiennent suffisamment le foot féminin.
Comment faire pour développer le foot féminin ?
Pour notre salut, nous devrions avoir une ligue autonome. Etre un démembrement de la fédération sénégalaise football nous dessert. Nos responsables ont tendance à nous oublier. Il nous arrive de devoir jouer et qu’on oublie de nous programmer des arbitres ou alors que le stade soit loué pour un concert. Et quand ces choses arrivent, impossible de situer les responsabilités. Donc si nous avions une ligue autonome avec des commissions avec des tâches spécifiques, nous pourrions mieux développer le football féminin. Par ailleurs, il est important de catégoriser ce football. Aujourd’hui en championnat on ne joue que chez les séniors. Il n’existe pas de compétition ni chez les cadets ni chez les juniors. Quand tu es pratiquante à cet âge et que tu ne joues pas en club, tu finis par abandonner. Les clubs n’ont pas de relève et c’est un réel problème pour le développement de cette discipline. Pour remédier à cela, on peut organiser des tournois dans chaque région. Le paradoxe c’est que la fédération sénégalaise veut engager des équipes nationales cadettes et séniors à des compétitions internationales alors qu’il n’y a pas de championnats en petites catégories.
Revenons au terrain, quelle est la philosophie de jeu de Soukeye Cissé ?
J’adore voir une équipe poser le ballon au sol et jouer. Le style Barça quoi (Eclats de rires)
Je demande à mes joueuses de conserver le ballon, de progresser et de jouer. C’est le style que j’inculque à mes joueuses. Quand elles jouent de longues balles, j’arrête la séance et je siffle un coup-franc pour l’équipe adverse (rires).
Aujourd’hui vous dirigez l’équipe féminine de DSC, mais quelles sont les ambitions de la coach que vous êtes ?
Bien sûr. Nous voulons tous évoluer dans nos carrières. Pour l’instant je travaille avec Dakar Sacré Cœur et mon objectif immédiat est de faire monter l’équipe en première division. Je vais continuer à me former avant de prétendre à entraîner l’équipe nationale du Sénégal. Il me reste encore beaucoup de choses à apprendre.
Comment allier sa vie de femme et ce métier très prenant ?
Je me suis mariée en Septembre dernier et ce n’est pas facile d’allier la vie d’épouse à celle d’entraîneur. Quand je quitte l’école le matin, je cours pour aller à la maison faire les travaux ménagers avant de repartir l’après-midi pour les entraînements. Ma chance c’est d’avoir un mari qui est aussi dans le milieu du foot. Il me comprend et me soutient.
Entretien réalisé par Mame Fatou Ndoye Traoré.
Parlez-nous à présent de votre parcours de footballeuse ?
J’ai évolué à l’équipe de Médiour à Rufisque de 2002 à 2017 d’abord au poste de défenseur central ensuite d’attaquant. Je ne m’occupais pas que de foot. Je faisais aussi de la gestion administrative.