Depuis son départ du Barça, Pep Guardiola voit la Ligue des champions se refuser à lui chaque année. La faute à pas de chance, parfois, mais aussi, paradoxalement, à sa quête frénétique du plan de jeu parfait.
Pep Guardiola court toujours après sa troisième Ligue des champions.
Autant être clair d’entrée: non, Pep Guardiola n’est pas un romantique du football. En tout cas pas dans le sens, teinté de naïveté, où on l’entend. C’est même tout le contraire: l’entraîneur catalan se définit lui-même comme le plus pragmatique de tous. «Je ne connais personne de plus pragmatique que moi, affirmait-il en 2016. Je veux gagner des matches, croyez-moi. Je ne suis pas quelqu’un qui va dire: “Jouons pour le plaisir.”»
On peut taxer Zdenek Zeman ou Marcelo Bielsa d’être jusqu’au-boutistes dans leur approche du jeu, mais pas Pep Guardiola. La défaite contre Lyon, samedi (1-3), en est la preuve. Le disciple de Johan Cruyff a mis en place un plan prudent, taillé non pas pour imposer ses propres forces mais pour contenir celles de l’adversaire. Exit le 4-3-3 qui a fait de Manchester City l’un des favoris à la victoire en Ligue des champions, place à un 3-5-2 calqué sur le système de l’OL. La composition de départ illustre cette frilosité: Cancelo, Rodri et Gündogan ont été préférés aux profils plus créatifs de Mahrez et des deux Silva (Bernardo et David). Quant au pressing, l’un des piliers de l’identité «guardiolesque», il a été pratiqué avec moins d’intensité et de conviction qu’à l’accoutumée.
«Dans les gros matches, Pep accorde énormément d’attention aux adversaires et à leurs forces. Il est toujours un peu déchiré entre cet aspect et s’en tenir à ses convictions». Thomas Müller, ancien joueur de Pep Guardiola au Bayern Munich
Autant de choix surprenants venant de l’entraîneur devenu LA référence grâce à sa philosophie proactive. Pourtant, ce paradoxe s’explique. Celui qui en parle le mieux est peut-être Thomas Müller, l’un des cadres de Guardiola au Bayern. «Dans les gros matches, Pep accorde énormément d’attention aux adversaires et à leurs forces, a-t-il confié dans un article de The Athletic. Il est toujours un peu déchiré entre cet aspect – bien plus que contre les équipes plus faibles – et s’en tenir à ses convictions ainsi qu’à un système dans lequel il croit. Du genre: “Nous allons prendre ce risque parce que c’est notre manière de jouer.” Parfois, ce que nous faisons n’est pas toujours 100% clair.»
Éternel insatisfait
À la lecture de ces mots, la stratégie choisie face à Lyon prend tout son sens. Et permet de mieux comprendre la débâcle. Guardiola n’est pas un dogmatique, mais un éternel insatisfait. Sa marque de fabrique reste le 4-3-3, héritage de son éducation footballistique à Barcelone, mais depuis 2012 et son départ de la Catalogne, il a expérimenté les systèmes comme personne auparavant. Au Bayern, il a utilisé pas moins de 23 schémas différents. Et au moment d’aborder les matches à élimination directe en Ligue des champions, le Catalan se laisser gagner par le doute. À vouloir mettre au point le plan de jeu parfait, il finit parfois par en oublier ses fondamentaux et déstabiliser ses joueurs plus que les rassurer.
À l’arrivée, Guardiola entretient une relation complexe avec la plus prestigieuse des Coupes d’Europe. À ses débuts d’entraîneur au Barça, celle-ci ne lui avait pas résisté (deux sacres, en 2009 et 2011). Puis il a buté à chaque fois en demi-finales avec Munich, avant de régresser encore à Manchester City: depuis 2017 et l’élimination en huitièmes, les Skyblues n’ont pas dépassé le stade des quarts.
Certes, l’ancien milieu de terrain n’a pas toujours eu la chance de son côté. En 2015, son Bayern n’a rien eu à envier à Barcelone mais a été victime du génie de Messi. L’année suivante, il s’en est fallu de très peu pour venir à bout de l’Atlético Madrid. Et comment ne pas évoquer la fin de match dantesque contre Tottenham la saison dernière, quand City s’est vu refuser le but de la qualification à la dernière seconde par le VAR?
Toujours est-il que «Pep» s’est aussi tiré des balles dans le pied, victime de ce qui l’a amené si haut dans l’histoire du coaching: son obsession maladive et déraisonnée pour le moindre détail.