Près de dix ans après la professionnalisation du football, les joueurs locaux continuent de vivre dans la précarité.
On se souvient de l’histoire d’un joueur pro (Moussa Kouyaté) qui a évolué dans un club ligue 1 (ASAC NDIAMBOUR), licencié pour “manque de performance”, alors qu’il a été blessé avec son club (souffrant d’une pubalgie).
Au Sénégal quelle instance défend les droits et les intérêts des footballeurs ?
Une instance qui quotidiennement est au contact des footballeurs professionnels, les informe, les aide, les protège, les défend. Un organe qui représente les footballeurs auprès des instances et qui doit développer, au fil des saisons, des services, qui permettent aux joueurs de mener leur carrière en toute quiétude.
Dans notre rubrique d’aujourd’hui nous allons aborder ces questions liées au développement du football. Nous parlerons de l’actualité, des perspectives, des contrats des footballeurs, etc., avec notre invité du jour LAYE TERRY un amoureux du football local.
Question 1: présentez-vous à nos lecteurs ?
Laye Terry : « Abdoulaye Diop, 30ans, Professeur de Lettres Modernes au Lycée de Karang. Membre du Comité exécutif de NGB Niary Tally et en même temps membre de la cellule de communication de ladite équipe. Fan du foot local que je suis depuis 2008.»
Question 2 : le football professionnel fête ses 10 années, quel lecture faîtes-vous du niveau de notre championnat ?
Laye Terry : « Bon c’est acceptable avec de réelles avancées. Depuis l’avènement de la Ligue Pro on ne note plus d’équipes qui perdent leur match à cause d’une fraude d’identité. Petit à petit le vent du professionnalisme souffle sur notre foot même s’il y’a des clubs qui vivent toujours dans l’amateurisme.
Le développement des TIC a également facilité l’accès rapide à l’information surtout durant les journées de championnat. Pratiquement chaque équipe a une page Facebook ou un site où il peut communiquer. De leur côté, les supporters apportent leur pierre à l’édifice avec pas mal d’actes positifs.
Maintenant concernant la performance des joueurs, je peux dire que c’est positif car on a assisté à un nivellement des valeurs, le championnat n’est plus dominé par les clubs traditionnels car les centres de formation ont fini de bouleverser la hiérarchie avec les équipes populaires.
La ligue 1 voit quasiment des meilleurs joueurs partir chaque année pour des championnats plus huppés et je crois que c’est le résultat d’un excellent travail de nos clubs. »
Question 3 : cette semaine encore la violence s’est invitée à notre championnat lors du match Jaraaf / As Pikine du 18 février 2019 au stade LSS , quelle appréciation en avez-vous?
Laye Terry : « Je crois que c’est déplorable et il faut l’éviter. On doit tous apprendre de nos erreurs surtout des événements du 15 juillet avec les 8 supporters du stade Mbour morts.
La violence est le point noir de notre championnat depuis des années. On se souvient des affaires NGB -Stade de Mbour; USO -NGB, Pikine-GFC, etc…
Et à chaque fois la Ligue Pro revient sur ses décisions au nom du fameux “maslaha”. Je n’ai rien contre les équipes taxées violentes mais il est temps que ça cesse. Mes pensées aux blessés de Pikine et du Jaraaf.
Question 4 – Laye UNFPA c’est quoi et d’où est parti l’idée ?
Laye Terry : « UNFPA est une idée qui m’est venue en tête l’été dernier. En effet, on recevait trop de demandes de joueurs qui nous suppliaient de leur trouver un club. Au vu de tout cela j’ai décidé d’organiser 3 jours de tests au Stade Alassane Djigo, aidé en cela par les membres du groupe comme Seydou Souané, Cheikh Mbacke Thiam, Birane Diouf et Imam.
J’ai pris 2 coach (Laye Gueye du Stade de Mbour et Ousmane Sene de Yeggo). Après 72h ils ont retenu un groupe de 20 joueurs et on a commencé à sillonner le pays pour jouer contre les clubs en préparation dans le but d’aider ces joueurs à décrocher un club. On a joué contre Jamono Fatick, GFC Pro, As Pikine, Génération Foot (2 fois), Keur Madior, Sonacos, NGB, Sofa, Afa, Teungeuth FC etc…
C’est le moment de remercier tous les coachs et Présidents qui ont cru au projet. Au moment où je vous parle, notre Gardien Babacar Wade a signé à Thiès FC, 5 autres à AFA Grand Yoff.
Gorgui est en stage à DSC, Djibril Diop et Badji à MPC. Je rappelle que la sélection a un coach du nom de Cheikh Oumar Aidara qui ne ménage aucun effort pour aider les gosses. En ce qui concerne le budget, on a zéro francs et à chaque match on se cotise pour gérer nos dépenses.
Pour le transfert de Babs à Thies FC, on va recevoir bientôt un jeu de maillots car on en pas. Notre but est juste d’aider, sans demander d’argent ni de faveur. »
Question 5 : parlons du cas des joueurs, quel organe supervise aujourd’hui leurs contrats et dans ce volet que comptez-vous apporter ?
Laye Terry : « C’est le nœud du problème. Beaucoup de clubs ne communiquent pas le contrat des joueurs. À part certains qui le font, d’autres préfèrent se terrer dans l’amateurisme. Il y’a aucune instance qui s’en occupe. D’ailleurs des contrats se signent dans des salons après un bon yassa au poulet.
Pis encore les joueurs sont les principaux responsables de cette situation. Certains n’ont aucune personnalité. Ils se cachent pour aller signer des contrats et reviennent après pleurnicher auprès de nous ou d’autres.
Je suis entrain de faire des cours de management de sport et d’ici quelques semaines, en collaboration avec des avocats spécialisés en sport, on mettra en place une structure qui va aider les joueurs à lire leur contrat avant de le signer. Il est grand temps que ça cesse si on aspire à être professionnel.»
Question 6 : le syndicat des footballeurs professionnels qu’est-ce qui l’empêche de voir le jour ?
Laye Terry : « Un manque de volonté ou même une peur des joueurs ou des dirigeants. Certains clubs ne jouent jamais franc jeu, libèrent leurs joueurs comme ils veulent, ne paient pas de salaire.. c’est sûr qu’ils n’encourageront jamais les joueurs à aller dans un syndicat.
Quant aux joueurs, ils ont peur de perdre leur emploi, ils pensent que militer dans un syndicat peut leur nuire. Aujourd’hui je pense qu’un monsieur comme Pape Ciré Dia doit diriger ce syndicat. Il faut que l’information puisse passer et qu’on dise aux joueurs les bienfaits de ce syndicat. »
Question 7 : pensez- vous contacter des anciens internationaux pour vous assister à la mise en place d’une telle instance ?
Laye Terry : « Oui bien sûr car ils ont du vécu. Ils ont fait le haut niveau et savent ses moindres rouages. Mais malheureusement ils ne sont obnubilés que par l’équipe nationale et les postes à la CAF alors que la base est beaucoup plus importante.»
Question 8 : Vous avez suivi comme tout le Sénégal la prestation des lions U 20, et pourtant ce sont des joueurs du championnat, pourquoi les clubs et la ligue ne communiquent pas pour inciter le public à venir au stade supporter tous ces talents?
Laye Terry : « Ce fut un très beau tournoi mais malheureusement on est retombé dans nos travers. C’est dur de perdre 3 finales d’affilée mais on retient l’essentiel.
Ah oui ce sont des joueurs du championnat pour la plupart mais en ce qui concerne la communication c’est le problème du foot sénégalais. J’ai l’habitude de dire que nous sommes tous responsables : dirigeants, joueurs, supporters et journalistes.
Je crois que chacun doit être animé par un sentiment de patriotisme pour vendre notre championnat. Mais hélas ! On préfère les Messi et les CR7 plutôt qu’aux joueurs du foot local. Beaucoup de dirigeants ne sont là que pour l’équipe nationale alors que ce sont les clubs qui les ont élus. »
Question 9 : Quel est votre sentiment sur l’affaire startimes/excaf?
Laye Terry : « Bon c’est un problème très sérieux mais je pense que nous n’avons pas eu toutes les informations de ce contrat. La ligue n’a pas été trop explicite et Excaf campe sur sa position.
Aussi la diffusion des matches ne devait pas uniquement concerner les clubs de Dakar et Mbour et surtout les clubs de Ligue 1. La ligue 2 fait partie du championnat. Il va falloir que tout le monde se mette autour d’une table afin d’en discuter, mais je pense que ce serait dommage si Startimes quitte le foot local. »
Questions 10 : Votre appréciation sur la rencontre du président sortant et les instances faîtières du football ?
Laye Terry : « Un sentiment de dégoût. La politique n’a rien à faire dans notre foot. Dans un autre contexte je serai partant mais à une semaine des élections c’est honteux.
Aussi le format ne sied pas avec des joueurs qui doivent porter leurs maillots et des supporters. Depuis 11 ans l’État n’a rien fait pour le foot local. Ce sera une rencontre politique et rien d’autre avec une batterie de promesses alors qu’on a même pas de Stade fonctionnel. »
Votre dernier mot?
Laye Terry : « Je vous remercie de m’avoir permis de m’exprimer sur le foot local que j’aime de toutes mes forces. Je vous encourage à persévérer dans cette dynamique de vulgarisation du foot local.
L’instant S. ( Mary Diallo)