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LA FIFA A-T-ELLE VRAIMENT TRUQUÉ LE PRIX THE BEST ?

Un capitaine nicaraguayen qui assure ne pas avoir voté, un sélectionneur soudanais qui accuse la FIFA d’avoir changé son trio de tête, une Fédération égyptienne en colère de voir deux de ses votants rayés de la liste des participants. L’élection pour le meilleur joueur FIFA de l’année 2019 a eu son lot de polémiques. Et les zones d’ombre subsistent. On a mené l’enquête.

Voilà de quoi réveiller les conspirationnistes du football. Mardi soir, au lendemain de la cérémonie The Best, qui a vu Lionel Messi courronné meilleur joueur de 2019, Juan Barrera balance une bombe sur Twitter. « Je n’ai jamais voté pour les prix The Best 2019. Toute information sur mon vote est fausse. Merci  » , écrit le capitaine du Nicaragua.

Pourtant, son nom apparaît bien sur la liste récapitulative officielle des votants,  rendue publique par la FIFA. Le premier joueur sur « sa » liste : Lionel Messi. L’Argentin récupère ainsi cinq points précieux pour décrocher en fin de compte le trophée. Des zones d’ombre qui rappellent certaines étrangetés relevèes lors du Ballon ‘or 2018.Il n’en fallait pas plus aux réseaux sociaux pour s’exciter : et si le vote avait été truqué par la FIFA elle-même ?

Des votes nicaraguayens bien coordonnés

C’est ce qu’on pourrait croire en écoutant Juan Barrera donner sa version des faits sur ABC . « Je suis surpris de voir mon nom dans la liste des capitaines qui ont voté pour Messi alors que cette année, je n’ai même pas voté, soutient le Nicaraguayen. La FIFA affirme qu’elle m’a envoyé un lien pour voter à mon adresse mail, mais je n’ai jamais rien reçu, et c’est pour cela que je n’ai pas pu voter. » Pour appuyer les propos de son attaquant, le club du Real Esteli FC a publié  un communiqué officiel  peu de temps après. « Notre joueur est préoccupé face à cette situation parce que l’on a utilisé son nom pour un vote auquel il n’a aucunement participé  » , peut-on lire. Pourtant, la FIFA dispose d’un document prouvant le vote du capitaine, avec sa signature.

Autre étrangeté : selon les documents officiels, les Nicaraguayens (qui n’avaient pas voté pour  The best 2018 étaient étrangement sur la même longueur d’ondes pour cette édition 2019. Juan Barrera a désigné Lionel Messi, Sadio Mané et Cristiano Ronaldo (dans l’ordre) comme meilleurs joueurs. Une sélection identique et dans le même ordre que celle de son sélectionneur, Henry Duarte. Mais ça ne s’arrête pas là. Chez les entraîneurs, Juan Barrera a misé sur Jürgen Klopp, Marcelo Gallardo et Pep Guardiola. Bis repetita pour Henry Duarte… Et idem chez les Nicaraguayennes. La capitaine Karerine Pereira et la sélectionneuse Elna Dixon ont fait les mêmes choix dans les deux catégories équivalentes chez les femmes. Une simple coïncidence ? Mouais… De quoi, surtout, accentuer les soupçons après les déclarations de Juan Barrera.

Un vote soudanais dupliqué

Le Nicaraguayen n’est pas le seul à contester son vote. Le sélectionneur du Soudan, Zdravko Logarusic, aurait lui aussi eu le malheur de voir ses votes changés dans la liste officielle partagée par la FIFA. Son trio Salah-Mané-Mbappé se serait transformé en Messi-Van Dijk-Mané. Une photo de son vote initial a été partagé sur les réseaux sociaux par un compte au nom de l’entraîneur. Il faut cependant se montrer prudent : le profil vient tout juste d’être créé en septembre 2019, n’a tweeté qu’une seule fois et ne compte que deux abonnements pour neuf abonnés. Contacté à plusieurs reprises, le sélectionneur ne nous a jamais répondu pour confirmer qu’il était bien l’auteur de la photo. Il n’empêche que tous les éléments sur la feuille (signature et écriture) concordent avec le scan officiel transmis par la FIFA. Tous sauf les croix pour le choix des joueurs, donc.

Quelle image est la bonne ? Laquelle a été trafiquée ? Difficile à dire. Sur la photo transmise par la FIFA, les croix numériques étrangement mal centrées dans les cases interpellent, ainsi que les blancs à la place de « Mané deuxième » et « Mbappé troisième » (soit les choix du vote défendu par Zdravko Logarusic). Contactée par téléphone, la FIFA n’a pas souhaité commenter. Mais l’image relayée par les réseaux sociaux ne semble pas moins trompeuse. On croit distinguer les traces d’un vote Messi-Van Dijk-Mané mal effacées.

Des votes égyptiens refusés

Un dernier cas reste à éclaircir : les votes égyptiens. Alors que la plupart des pays ont le droit à trois représentants pour participer aux élections (le capitaine de la sélection, le sélectionneur et un journaliste), un seul vote égyptien apparaît sur la liste officielle de la FIFA, celui du journaliste Hany Danial. Pourtant l’année dernière, l’Égypte avait bien eu trois votants différents. La Fédération des Pharaons demande donc des comptes à la FIFA, car elle assure que les votes du sélectionneur, Shawki Ghareeb, et du capitaine, Ahmed Elmohammady, plaçaient Mohammed Salah (quatrième au classement final) en tête. Et la Fédération égyptienne maintient avoir envoyé le vote de l’Égypte à la FIFA le 15 août, soit quatre jours avant l’expiration du délai.

Pour sa défense, la FIFA rappelle que la procédure des votes pour chaque prix a été gérée et surveillée par PricewatherhouseCoopers (entreprise spécialisée dans les missions d’audit et d’expertise comptable), en Suisse. « Lors de la vérification des votes de l’Égypte le 15 août, il a été noté que les signatures étaient simplement les noms des votants en lettres majuscules et ne semblaient donc pas valides (pas authentiques) ; que les formulaires n’avaient pas été signés par le Secrétaire général ce qui est obligatoire  » , précise l’instance de football par mail. La FIFA déroule ensuite sa version des faits. Le bureau du président de la Fédération égyptienne a été contacté pour reconfirmer les votes du capitaine et du sélectionneur. « Selon le bureau de vote de la FIFA, surveillé par PwC, la Fédération égyptienne a reçu deux rappels pour transmettre des formulaires correctement remplis le 19 août. Elle n’a renvoyé une réponse que le 21 août. » Un retard qui s’explique notamment par les bouleversements de l’été au sein de la Fédé des Pharaons, leur président Hani Abou Rida ayant présenté sa démission après la débâcle de la CAN (élimination en 8esde finale). Le nouveau comité de la Fédération égyptienne n’a pris ses fonctions que le 20 août. Un jour de délai qui a donc coûté 10 points à Mohammed Salah.

PAR ROBIN RICHARDOT Propos de la FIFA recueillis par RR

 

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