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Sénégal : l’histoire de Bamba Dieng racontée par ses proches.

Révélation du début de saison marseillais et déjà auteur de trois buts, Bamba Dieng est de ceux qui n’ont pas le temps. Débarqué de Saly dans l’anonymat le plus total l’hiver dernier, l’attaquant de 21 ans a, depuis, parcouru un bon bout de chemin. Un aboutissement inespéré, pour ce petit garçon dont le seul rêve était de suivre les pas d’Alexis Sánchez.

 

Espoir de Marseille, Bamba Dieng régale le Sénégal

Les bras écartés et le déhanché maîtrisé au rythme de Papaoûtai de Stromae, Cheikh Ahmadou Bamba Mbacke Dieng détonne. Pour son bizutage avec l’équipe réserve de l’Olympique de Marseille, le buteur sénégalais assure pleinement le spectacle devant des coéquipiers conquis. Un cliché spontané, joyeux et figé dans le temps, qui décrit finalement à merveille celui qui s’est hissé jusqu’au groupe professionnel et que les supporters du Vélodrome ont simplement appris à nommer Bamba.

 

Un prénom qui résonne jusqu’aux portes de Dakar et la ville de Pikine. C’est là que Bamba Dieng voit le jour le 23 mars 2000. Mais c’est pourtant Diourbel, cité située à 150 km à l’est de la capitale, qui profite des premiers pas du footballeur en herbe. « Notre oncle avait une école de foot qui portait son nom, Alassane Dieng. C’est là que Bamba a commencé. Il a toujours voulu jouer, il était capable de pleurer pour implorer mon père de lui acheter un nouveau ballon » , confie son frère, Hamidou. Âgé de 27 ans, ce dernier évolue en Ligue 1 sénégalaise sous les couleurs de Dakar Sacré-Cœur (DSC). Car le virus du ballon rond n’a pas touché que le plus jeune de la fratrie Dieng. « Bamba est plus rapide que moi, ça c’est sûr. Mais je suis plus technique que lui ! » , se targue ainsi le cadet de la bande. Une passion partagée, qui a même vu la fratrie s’affronter au sein de l’élite locale. Bamba Dieng en était alors à sa deuxième saison professionnelle sous les couleurs de Diambars, tout juste promu en Ligue 1. « C’était bizarre, mais c’est un bon souvenir. On a gagné 2-1, j’ai mis un but et délivré une passe décisive. Pour Diambars, c’est Bamba qui a marqué, résume-il tandis que les journaux locaux n’ont eu d’yeux que pour eux au lendemain de la partie. Cette saison-là, il a été énorme, il a mis 12 buts en 13 matchs, puis le championnat s’est arrêté à cause de la Covid. » Et si les deux sont « très proches » en dehors du terrain également, rien n’empêchait quelques querelles lors des Clásico entre le Real Madrid cher à Hamidou et le FC Barcelone de Bamba. « À la maison, c’était la guerre ! » , se remémore l’avant-centre du DSC. Un attachement au club catalan justifiant l’affection portée par l’Olympien à Lionel Messi, mais surtout pour son modèle, Alexis Sánchez, dont « il est un peu trop fan » , selon son frère.

 

Le patient sénégalais

Le Chilien, petit et puissant comme lui, est une référence. Un maillot du Barça peint d’un numéro 7 et d’un magnifique « Alexis Bamba » trône même fièrement parmi la collection familiale. « À l’école de football, on l’appelait “Sánchez Dieng”, rembobine Khalifa, ami et ancien coéquipier de l’attaquant qu’il connaît depuis l’âge de 11 ans. Il faisait la même coiffure que lui ! » La nostalgie magique d’un gamin qui ne fait aujourd’hui plus figure d’inconnu depuis cet exercice réussi sous le maillot de Diambars, son club formateur. Encore moins depuis qu’il a signé à l’OM, l’un des clubs français les plus supportés au pays de la Téranga. « Ado, Bamba est venu à Yaya Sall, dans notre équipe. Il était trop fort, il impressionnait les gens parce qu’il jouait latéral, mais c’est lui qui marquait le plus de buts, rigole Khalifa. Il avait beaucoup d’énergie et il courait plus vite que nous. »

« Il disait qu’il allait devenir quelqu’un dans le football et qu’il fallait être patient. C’était le genre de phrases qu’il pouvait mettre dans ses statuts WhatsApp. »Khalifa, compagnon d’aventure

Pourtant, ses qualités ne suffisent pas à convaincre immédiatement les recruteurs de l’académie Diambars. « Je me souviens très bien de lui plus jeune. On ne l’a pas retenu lorsqu’il a passé les tests la première fois. Il y avait meilleur que lui à ce moment-là » , raconte Dabo, responsable du recrutement et entraîneur des jeunes à Diambars. De retour la saison suivante, il est finalement sélectionné. Ce qui n’a pas étonné son Khalifa : « C’est quelqu’un de très déterminé. Il y croyait, depuis tout jeune. Il disait qu’il allait devenir quelqu’un dans le football et qu’il fallait être patient. C’était le genre de phrases qu’il pouvait mettre dans ses statuts WhatsApp. » Au sein de l’académie, la progression est fulgurante. « En dehors du terrain, c’était un jeune garçon très sage, très responsable, continue Dabo. Sur la pelouse, il jouait défenseur et parfois milieu, sur un côté. Mais lors d’un match, aucun attaquant n’était disponible. On l’a donc positionné en pointe. Il a été excellent, il a marqué et on a mieux vu ses qualités de vitesse et de déplacement. » Des qualités intrinsèques, annonciatrices de nouvelles étapes à franchir.

Produit de lancement du partenariat OM-Diambars

Deux saisons pleines, durant lesquelles le synthétique du stade Fodé-Wade s’est transformé en forteresse, et les écuries européennes en un rêve à peine voilé. Parmi elles : l’Olympique de Marseille. « Il a été recruté dans des conditions un peu particulières. Ce n’est pas l’OM qui est venu le chercher, mais Diambars qui a proposé ses services » , détaille Bocar Seck son agent. Forts de leur projet OM Africa et d’un partenariat signé avec Diambars fin 2019, les Marseillais se réservent en effet le droit d’acquérir des joueurs de l’institut. Coup de chance ou coup de génie, « Bamba Goal » est le premier élu. « La direction marseillaise cherchait un attaquant. On leur a donc directement proposé Bamba, car il était celui qui correspondait le plus au profil recherché par le club » , conclut Seck. Gagnant les faveurs de Nasser Larguet, le directeur du centre de formation, le jeune attaquant ne se loupe pas, au terme d’une courte période d’essai en octobre 2020.

 

« Au début, on rigolait parce qu’il me disait qu’il n’arrivait pas à comprendre les Marseillais. Avec leur accent, il avait l’impression qu’ils parlaient une autre langue. »
Bocar Seck, agent de Bamba Dieng

Le deal est conclu en prêt avec option d’achat à 400 000 euros. « On voulait d’abord le tester en prêt, précisait Pablo Longoria en visite à Saly. Au Sénégal, il avait connu une sérieuse blessure au genou, on ne voulait donc prendre aucun risque. Une fois lancé, il a tout de suite su se mettre au rythme de l’équipe réserve. » Mais en National 2, si le rythme s’avère intense, Dieng n’y fera pas de vieux os. Quatre apparitions en championnat avant une interruption prématurée due à un nouveau confinement. Logé au centre de formation, le jeune attaquant prend son mal en patience, s’adaptant tant bien que mal à ses nouvelles terres. « Au début, on rigolait parce qu’il me disait qu’il n’arrivait pas à comprendre les Marseillais, se marre Bocar Seck. Avec leur accent, il avait l’impression qu’ils parlaient une autre langue. Maintenant, il s’est habitué. » L’attente est folklorique et fastidieuse, mais elle ne tarde pas à porter ses fruits.

L’Yonne de la Téranga

Les résultats en berne et la politique drastique menée en interne conduisent effectivement à la démission d’André Villas-Boas au mois de février. L’arrivée de Nasser Larguet se transforme alors en aubaine inespérée, comme un signe du destin. Convoqué dès la partie suivante face à Auxerre en Coupe de France, Bamba Dieng saisit sa chance des deux mains. Sur la pelouse depuis moins de dix minutes et sans avoir inscrit le moindre pion en équipe réserve, le Sénégalais fait parler la poudre sur sa première course. Un but libérateur et une joie communicative, en témoignent les scènes de liesse des jeunes membres de l’académie Diambars devant leur écran de télévision.

 

« Cela fait plusieurs semaines que Bamba me fait d’excellentes impressions à l’entraînement, précisait ainsi Larguet au sortir de ce déplacement bourguignon. Il ne devait être avec nous qu’en N2, mais au fil du temps, j’ai compris qu’il pouvait titiller les professionnels. » Les performances suivantes, en Ligue 1 cette fois, seront tout aussi convaincantes, sans pour autant braquer tous les projecteurs sur lui. Avec son salaire de 1800 euros par mois et un mode de vie discret, Bamba grandit dans l’ombre. « En réalité, ça ne m’étonne qu’à moitié de le savoir aussi serein, avoue Bernard Lama, cofondateur de l’académie Diambars. À l’institut, on ne leur a jamais mis en tête les avantages de la vie de footballeur. Pire, on les en dissuadait afin de les mettre face à la réalité. La réussite et l’humilité d’Idrissa Gueye (un des premiers talents à émerger de l’académie, NDLR) a été un exemple suivi par tous nos jeunes » , sourit l’ancien portier, champion du monde 1998.

Joue-la comme Mamad’

Des émoluments en décalage avec le monde du football moderne et un statut remis en cause à l’été. En quête d’un attaquant expérimenté et certainement plus bankable afin d’épauler Arkadiusz Milik, les dirigeants marseillais ont en effet ouvert la porte au départ de la jeune pousse. Une situation instable, que Jorge Sampaoli a fini par stabiliser. Convaincu par une présaison réussie, El Peludo octroie une pleine confiance au gamin de Diourbel, définitivement intégré chez les grands. Une mise en avant légitime, que le buteur ne tarde pas à rétribuer au centuple. Titularisé lors de la cinquième journée face à Monaco, Dieng fait chavirer Louis-II. Un doublé claqué sur le Rocher et une patte enfin reconnue. « Ce soir-là, son nom était sur tous les statuts Facebook et WhatsApp dans la région de Diourbel. Même sur les pages Facebook de la ville, tout le monde faisait son éloge et était fier. Le lendemain de son doublé, sa fresque a été dessinée sur le mur d’une école à Diourbel » , se souvient Khalifa.

 

Une prestation majuscule loin de surprendre Bernard Lama. « Sa qualité de contrôle du ballon et sa capacité à se procurer des occasions, il les doit en partie au football sénégalais. S’il était parti en Europe plus tôt, il aurait assurément perdu de son style caractéristique. Il a dû faire face à des défenseurs rugueux et à des terrains souvent compliqués. » Mais malgré ses exploits monégasques, il continue de séjourner à la Commanderie. « C’est vrai qu’il a mis un peu de temps avant de se trouver un logement, précise Bocar Seck. Mais aujourd’hui il vit seul, dans sa propre maison. » Quant à son contrat à l’OM, celui-ci devrait évoluer « dans les prochains jours » , glissait l’intéressé en conférence de presse la semaine dernière, prêt à marcher dans les pas de Mamadou Niang, le dernier grand attaquant sénégalais de l’OM. De quoi (enfin) le récompenser de ce début de saison en fanfare, auréolé d’une convocation en équipe nationale par Aliou Cissé.

« J’espère qu’il va remporter la CAN »

Le vendredi 1er octobre, à 10 heures, la liste tombe. Le nom de Bamba Dieng, dont le père est policier et la mère « travaille à la maison » , figure au beau milieu des stars de l’attaque sénégalaise. « Ce jour-là, ce n’était que du bonheur. Notre famille a ressenti beaucoup de fierté » , raconte, ému, Hamidou Dieng. Le tube de l’été sur la Canebière compte déjà deux sélections en U17, mais atterrir chez les A, quelques mois avant la Coupe d’Afrique des nations 2022 au Cameroun (du 9 janvier au 6 février prochains) est une chance inouïe d’inscrire à son palmarès le trophée le plus prestigieux du continent africain. « On veut qu’il joue la CAN. Et j’espère qu’il va la remporter » , pronostique le cadet. Sur le papier, les vice-champions de la dernière édition font en effet partie des grands favoris de la compétition. Bamba a cumulé 23 minutes de jeu lors de ses deux premières sélections contre la Namibie, en qualifications au Mondial 2022. Il tient désormais à prouver à son sélectionneur qu’il ne s’est pas trompé. « Il apporte beaucoup de possibilités de par sa polyvalence. Il est capable de jouer en pointe, sur un côté. C’est un joueur talentueux » , décrivait Aliou Cissé à l’annonce des joueurs. Assez, peut-être, pour être aligné aux côtés de Sadio Mané lors des deux prochaines joutes face au Togo et au Congo. De quoi rendre les défenseurs complètement Dieng.

PAR ADEL BENTAHA ET CLÉMENT TERAHA, À DAKAR
Tous propos recueillis par CT et AB sauf mentions.

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